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Preuve d’un vol dans l’entrepôt par enregistrement de vidéo surveillance, est-ce légal ?

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vidéo surveillance vol

Le système de vidéo surveillance nécessaire à la protection des locaux peut devenir un moyen pour prouver la faute d’un salarié, à plus forte raison, quand il s’agit d’un vol. Mais attention, tout n’est pas si simple !

Le cadre légal d’utilisation d’une vidéo surveillance

Installer un système de vidéo surveillance dans les locaux ou sur les abords des bâtiments est parfois nécessaire. Cela, pour assurer la sécurité et empêcher les vols.

Or, le cadre légal est clair. Certes, l’employeur a le droit d’installer de tels systèmes qui pourront aussi servir à contrôler et à surveiller l’activité. Mais la mise en service doit être précédée d’une information du personnel, claire et sans équivoque (1).

(1) C. trav. art. L. 1222-4 et L. 2312-38

L’absence d’information du personnel revient à considérer le système comme illicite

La preuve par trois !

L’affaire jugée en Cour de Cassation début décembre 2023, trouve son origine en 2017.

Un salarié a été surpris par les caméras de surveillance du hangar, à voler du gasoil dans un entrepôt. Il est licencié pour faute grave. L’employeur se basait sur les seuls enregistrements des caméras.

Le salarié se défend et conteste son licenciement en avançant que les caméras, installées dans l’entrepôt, n’avaient pour seul but que de surveiller les cuves de gasoil. Et, dans la mesure où aucun poste de travail en particulier n’était présent dans cette zone, la vidéo surveillance n’avait pas pour utilité de surveiller l’activité.

C’est pourtant la thèse que défendait l’employeur.

De plus, le salarié avançait que l’employeur n’avait pas informé ses salariés de la pose de ce système.

Position de la Cour d’Appel et de la Cour de Cassation

Les deux juridictions n’ont pas entendu les arguments de l’employeur. Bien que celui-ci ait respecté le cadre légal, en déclarant ces systèmes auprès de la CNIL. En effet, la Cour a considéré que :

  1. la vidéo surveillance servait à surveiller les vols ;
  2. et elle avait pour objet de contrôler l’activité des salariés pénétrant dans la zone, et ce, pendant l’exécution de leurs tâches.

En effet la zone servait à accéder au matériel et aux véhicule de l’entreprise.

La Cour note le défaut de l’employeur qui aurait dû avertir et informer son personnel. De fait, le dispositif de surveillance devient illicite ! Et par conséquent, toute preuve captée par lui devient nulle !

A NOTER : une preuve illicite n’est pas toujours irrecevable par un tribunal. Mais ici, l’employeur n’avait pas demandé au tribunal d’examiner le caractère recevable de la preuve …

Comment un juge peut-il juger du caractère recevable d’une preuve illicite ?
Pour ce faire, un juge doit estimer si cette preuve (même illicite) porte atteinte au caractère équitable de la procédure… et cela, en considérant le respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve.

Conclusion

L’employeur n’avait pas demandé au juge de se prononcer. Donc, la preuve n’étant pas recevable, elle est considérée illicite. Le juge la rejette au motif que l’employeur a eu un défaut d’information de son personnel.

Pas de preuve donc, le motif du licenciement passe de « faute grave » à « sans motif réel et sérieux » ! L’employeur est donc condamné à ses dépends à verser de lourdes indemnités au salarié.

On n’est jamais assez prudent dans ces situations qui consistent à utiliser une vidéo surveillance pour prouver un vol.

Référence : Cass. soc. 6 décembre 2023, n° 22-16455 D

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Eric

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