L’économie française, depuis plusieurs décennies, n’est pas aussi performante en matière de compétitivité que les autres pays européens comparables. Pourtant, l’effort d’investissement des entreprises françaises n’est en général pas plus faible mais bien au contraire plutôt supérieur. Analyse de cet apparent paradoxe.
En France, les entreprises industrielles ont en 2016 investi près de 26 % de leur valeur ajoutée, soit un taux d’investissement du même ordre de grandeur qu’en Suède et en Italie et nettement au-dessus de celui de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l’Espagne, qui se situe aux alentours de 20 %. France Stratégie, associé à la revue La Fabrique de l’industrie et à l’OFCE a cherché à comprendre pourquoi. Au-delà de cette comparaison globale, l’étude analyse la composition de l’investissement des entreprises françaises, en s’interrogeant sur les bénéfices et retombées qu’il est légitime d’en attendre.
Un investissement qui privilégie les actifs immatériels
Dans l’industrie manufacturière, les entreprises françaises se distinguent de leurs homologues européennes par leur fort taux d’investissement dans l’immatériel. L’investissement en logiciels et bases de données oscille entre 4,5 % et 6 % de la valeur ajoutée sur la période 1995-2015 en France, contre environ 2 % en moyenne chez ses voisins européens. Concernant la R&D, de même, les industriels français y consacraient 10,7 % de leur investissement en 2016, contre 8,4 % pour les Allemands. Même chose pour les dépenses de formation, de communication, de publicité et d’organisation, pour lesquelles la France distance l’Allemagne depuis 1995.
Un moindre effort en faveur de l’investissement corporel
Il existe en France un certain contraste entre l’important investissement des entreprises dans l’immatériel et la relative faiblesse de l’investissement en actifs physiques. Comme le souligne l’étude, ce dernier point concerne notamment les machines et équipements, pour lesquelles « de part et d’autre du Rhin, l’écart de taux d’investissement est en 2015 de 1,5 point de valeur ajoutée au profit des entreprises allemandes ».
Et cette tendance ne fait que s’accentuer : entre les périodes 2003-2006 et 2012-2015, les dépenses d’investissement en machines et équipements ont baissé de 21 % en France, alors qu’elles ont augmenté de 19 % en Allemagne. Une explication possible serait que les industriels français choisiraient davantage de délocaliser à l’étranger une part importante de leur production tout en gardant la conception, et donc l’investissement immatériel, sur le territoire national. Pourtant, le fait que le taux d’équipement en robots industriels soit globalement plus élevé en Allemagne qu’en France tient surtout à un effet de structure, à savoir que l’industrie allemande est plus spécialisée dans des secteurs intensifs en robots tels que l’automobile.
On peut penser qu’à l’heure de la dématérialisation et de l’économie de la connaissance, l’investissement immatériel est d’autant plus pertinent et l’investissement matériel moins central comme déterminant des performances des entreprises. Or le diagnostic se révèle plus complexe.
Source : étude de France Stratégie (strategie.gouv.fr), 31/10/2018