Dans un arrêt du 30 mars 2017, la Cour de cassation refuse une nouvelle fois de faire application de la tolérance administrative permettant d’exclure de l’assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale les bons d’achat offerts aux salariés par le CE ou l’employeur. Motif : les lettres ministérielles et circulaires Acoss qui la prévoient n’ont pas de portée normative.
En matière d’assujettissement des cadeaux et bons d’achats offerts par le comité d’entreprise ou l’employeur (en l’absence de comité), deux points de vue différents s’affrontent : d’un côté, la jurisprudence les intègre par principe dans l’assiette des cotisations et des contributions de sécurité sociale en tant qu’avantages attribués en contrepartie ou à l’occasion du travail ; de l’autre, la doctrine sociale administrative les exonère en application d’une tolérance issue non pas de la loi, mais de lettres et d’instructions ministérielles successives, relayées par lettres-circulaires de l’Acoss.
Dans un arrêt du 30 mars 2017, la Cour de cassation rappelle que ces textes n’ont pas de portée normative. En conséquence, en cas de contentieux, le juge ne peut se fonder sur ces dispositions pour annuler un redressement Urssaf.
Tolérance en faveur du non-assujettissement
En l’espèce, une association contestait un redressement notifié par l’Urssaf d’Alsace, visant à réintégrer dans l’assiette des cotisations et contributions sociales, les bons d’achats et cadeaux en nature attribués aux salariés à l’occasion des fêtes de Noël 2010 et 2011. L’Urssaf avait en effet considéré que ces avantages avaient été attribués dans des conditions discriminatoires (montant proportionné au nombre de mois de présence au cours de l’exercice considéré) et devaient s’analyser comme des primes de présence et devaient donc être intégralement assujetties.
La Cour d’appel de Colmar a annulé ce redressement en considérant que l’association s’était strictement conformée à une tolérance admise de longue date : conformément à une lettre ministérielle du 12 décembre 1988, relayée en dernier lieu par une lettre-circulaire Acoss n° 2011-24 du 21 mars 2011, les bons d’achat et cadeaux en nature servis par les comités d’entreprise (ou par les entreprises en l’absence de comité d’entreprise), bénéficient en effet d’une présomption de non-assujettissement lorsque leur montant global, attribué sur l’année civile à un même salarié, n’excède pas 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS). Ce seuil n’ayant pas été atteint, l’association réclamait légitimement à profiter de l’exclusion d’assiette.
Absence de force obligatoire
Saisie, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel, celle-ci ne pouvant statuer sur le fondement d’une circulaire et d’une lettre ministérielle dépourvues de toute portée normative. Pour les Hauts magistrats, le litige devait donc être tranché conformément aux règles de droit qui lui sont applicables (CPC, art. 12), c’est-à-dire par application de l’article L. 242-1, alinéa 1er du Code de la sécurité sociale, lequel soumet à cotisations les avantages versés à l’occasion du travail.
Le litige est renvoyé à cette fin devant une autre cour d’appel. Cette solution rejoint une position jurisprudentielle antérieure selon laquelle le juge ne peut se fonder sur une instruction ministérielle ou une circulaire Acoss « non créatrices de droits », pour statuer en faveur du non assujettissement des bons d’achat versés aux salariés par le comité d’entreprise.
Ces bons d’achat constituent des avantages soumis à cotisations pour l’intégralité de leur valeur, sauf s’ils peuvent être qualifiés de secours (Cass. 2e civ., 11 juillet 2005, n° 04-30.188; Cass. 2 e civ., 31 mai 2006, n° 04-30.762).
Cette jurisprudence place les cotisants dans une relative instabilité juridique car si la tolérance administrative n’est pas remise en cause en tant que telle (elle figure toujours sur le portail de l’Urssaf et il est toujours possible d’en bénéficier jusqu’à nouvel ordre), elle ne s’imposera pas au juge en cas de contentieux, notamment si une Urssaf décide d’en écarter l’application et d’opérer un redressement.
Pour l’avenir, il serait souhaitable que le ministère chargé de la Sécurité sociale vienne clarifier rapidement les conditions d’octroi de la tolérance, notamment s’agissant de la possibilité de moduler ou non le montant de l’avantage en fonction de la présence effective des salariés dans l’entreprise.
Référence : Cass. 2e civ., 30 mars 2017, n° 15-25.453 F-PB