Le fait de passer la nuit dans un studio de l’entreprise est-il considéré comme une astreinte ou est-ce du temps de travail ? Voila une question à laquelle vous pourriez être confronté, surtout en cas de licenciement du salarié.
La question se pose parfois, le droit est délicat à adapter à son entreprise. Alors, des cas de jurisprudence éclairent souvent les textes.
C’est l’histoire d’un agent de réception dans un hôtel
Dans le cas jugé, la réceptionniste d’un hôtel devait passer la nuit dans une chambre de l’hôtel. Elle devait ainsi pouvoir répondre au téléphone. Était-elle d’astreinte ou était-ce considéré comme du travail effectif ? La Cour de cassation s’est prononcée sur ce cas dans un arrêt du 17 février 2021.
Définition de l’astreinte
A ce jour, l’astreinte est une période pendant laquelle le salarié doit pouvoir intervenir pour réaliser un travail ou une tâche pour le compte de son entreprise. Référence : c. trav. art. L. 3121-9.
Cela est vrai, même si le salarié n’est pas sur son lieu de travail et n’est pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur.
Par conséquent, la localisation physique du salarié ne définit pas à elle seule la notion d’astreinte. Par contre, le salarié doit être en mesure d’intervenir.
Rappel, l’astreinte, avant la loi Travail de 2016
Dans sa version antérieure au 10/08/2016, la législation définissait l’astreinte comme se déroulant au domicile de l’agent ou à proximité.
Par conséquent, si elle se déroulait dans des locaux de l’entreprise prévus à cet effet, ce temps était défini comme un temps de travail. Référence : cass. soc. 2 avril 2003, n° 01-40032, BC V n° 131 ; cass. soc. 2 juin 2004, n° 02-42618, BC V n° 147.
La jurisprudence fait évoluer la définition antérieure de l’astreinte
Cependant, la jurisprudence se prononce parfois sur des cas couverts ou concernés par la législation antérieure à la loi Travail. Elle a ainsi tendance à s’attacher à « l’esprit de la loi » plus qu’au texte de l’époque.
Cela conduit donc à reconsidérer la localisation physique du salarié placé en astreinte.
C’est dans ce contexte d’évolution que la cour de cassation a examiné, le 17 février 2021, les conditions de réalisation d’une astreinte, antérieure à la loi travail de 2016.
L’affaire jugée le 17 février 2021
Un hôtelier avait licencié une de ses salariées. La salariée a saisi les Prud’hommes pour que l’on requalifie ses heures « d’astreinte » en « heures de travail de nuit ». Elle considérait que cela était du travail effectif.
En Appel, les juges se sont prononcés en faveur de la salariée, au vu des textes applicables lors des faits, à savoir, ceux d’avant août 2016. Ils retenaient, notamment, que :
- La salariée occupait un local mis à disposition par l’hôtel, dans l’enceinte de l’établissement ;
- Les autres réceptionnistes utilisaient ce local quand ils étaient eux-mêmes d’astreinte ;
- Le local était équipé d’un téléphone fixe recevant les appels transférés depuis le standard téléphonique de l’hôtel ;
- La salariée devait pouvoir répondre aux appels.
Les juges considéraient que la salariée devait rester dans un local de l’entreprise, sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Les nuits passées dans l’établissement constituaient donc, pour eux, un travail effectif.
La cour de cassation est d’un autre avis
Après avoir rappelé la définition de l’astreinte, la cour a redit la définition du « travail effectif« .
Pour elle, le travail effectif est le temps pendant lequel le salarié :
- se conforme aux directives de son employeur ;
- est à la disposition de l’entreprise ;
- ne peut pas vaquer librement à des occupations personnelles.
Référence : c. trav. art. L. 3121-1
En examinant les faits, la Cour de cassation a considéré que les conditions d’occupation du local n’interdisait pas la salariée de vaquer à quelle qu’occupation personnelle.
De plus, le fait qu’elle devait être en mesure de répondre aux appels et les conditions d’occupation du studio définissait davantage l’astreinte et non le travail effectif.
Des suites attendues
Les juges du fond devront donc examiner cette affaire pour la juger à nouveau. Ils devront, ainsi, vérifier si les nuits passées dans l’établissement sont des périodes d’astreintes ou du temps de travail effectif…
Cass. soc. 17 février 2021, n° 19-23367 D