Censé entrer en vigueur en janvier 2016, l’article 77 de la Loi relative à la Transition énergétique ne pourra pourtant être appliqué tout de suite dans son ensemble.
En effet, le point VII du texte, qui exige des réparateurs de permettre à leurs clients d’opter pour des “pièces issues de l’économie circulaire”, devait être précisé par un décret du Conseil d’État pour fixer les catégories de pièces concernées. Mais les parties sollicitées pour établir la définition des catégories de pièces concernées n’en sont seulement qu’au début de leurs discussions !
Rappel
Promulguée le 17 août dernier, la Loi relative à la Transition énergétique pour la croissance verte, encore appelée loi “Royal”, introduisait un ajout inédit au Code de la consommation. En l’occurrence l’article L.121-117 du code de la consommation précise que «tout professionnel qui commercialise des prestations d’entretien ou de réparation de véhicules automobiles permet aux consommateurs d’opter pour l’utilisation, pour certaines catégories de pièces de rechange, de pièces issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves».
Ce texte s’accompagnait d’un inévitable article coercitif (L.121-119) induisant que, «pour tout manquement […] est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale». Un article contre lequel se sont naturellement élevés les représentants des réparateurs, au premier rang desquels la FNAA (1). Mais avant d’en arriver là, encore faut-il que les fameuses «pièces issues de l’économie circulaire» soient définies, ce qui devait être fait dès que possible pour que le Conseil d’État puisse promulguer son décret d’application, la loi étant prévue pour entrer en vigueur en janvier 2016.
Parties nombreuses, débats complexes
Sauf que ce ne sera pas le cas. Parce que les parties sollicitées pour aboutir à la définition de ces pièces sont nombreuses. Et pas forcément toutes versées dans la pièce automobile, loin de là… Car aux côtés des légitimes représentants des réparateurs, des distributeurs de pièces, des recycleurs, des constructeurs et de la sécurité routière, figurent ceux des assureurs et surtout les hauts fonctionnaires de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ainsi que ceux de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), toutes deux relevant du ministère de l’Écologie et du Développement durable, dont dépendra l’application de la loi «Royal».
Réunies lors d’une première rencontre il y a quelques jours, les différentes parties ont eu la lourde tâche de s’accorder sur les pièces concernées par le décret. Si la pièce de réemploi était bien sûr la première visée par l’amendement, les pièces d’échange standard et d’échange réparation sont également concernées par le terme «économie circulaire». «En effet, inclure dans les pièces concernées les pièces d’échange standard ou d’échange réparation permet de porter à 15% la part du marché de la pièce auto concernée par la loi, alors que, pour des raisons de sinistralité et de disponibilité, les PRE (NdlR : pièces de réemploi) ne représenteront jamais, au mieux, que 2 à 3% du marché», souligne Yves Riou, délégué général de la Feda (2).
Quid de la sécurité ?
Il faut cependant considérer que les pièces d’échange standard et d’échange réparation sont passées par un process industriel et une batterie de tests plus intensifs que ce que subissent les PRE qui, si leur prélèvement et leur traçabilité se sont énormément améliorés grâce aux représentants du secteur, elles ne peuvent pas encore prétendre aux mêmes garanties. Avec les pièces de réemploi, plus qu’avec les autres, se pose donc la question de la sécurité.
Les pièces contribuant à la sécurité active ou passive du véhicule sont effectivement l’un des principaux points d’achoppement des débats. En effet, avant de demander à des pros de la réparation de proposer à leurs clients des pièces “vertes”, en particulier si elles ont été prélevées sur des VHU, encore faut-il leur assurer la certitude de ne prendre aucun risque. En particulier dans le cas de plaquettes ou de disques de freins, d’amortisseurs et de PSD (NdlR : Pièces de Suspension et de Direction) ou encore de dispositifs pyrotechniques comme les prétensionneurs de ceinture ou les airbags.
A l’heure actuelle, le débat n’est toujours pas tranché entre une liste négative et une liste positive des pièces concernées : est-ce que la liste dira “ne sont pas concernées telles ou telles pièces” ou “sont concernées telles ou telles pièces” ? Ce n’est pas un détail et cela a toute son importance. Établir une liste purement négative est compliqué alors que l’usage juridique du terme “notamment” permettrait de construire une liste positive mais avec des limites.
Le Tableau de validation des PRE en appui ?
En ce qui concerne la seule pièce de réemploi, qui ne peut se passer d’un référencement et d’une traçabilité solides pour obtenir la même considération de la part du professionnel que ses cousines d’échange standard ou d’échange réparation, le bon sens voudrait que le professionnel puisse s’appuyer sur le Tableau de validation des éléments de réemploi (cliquez ici pour le télécharger), document bien connu des experts en automobile, pour accepter ou non de poser telle ou telle pièce. Si le décret à venir venait à s’appuyer sur ledit document, le réparateur pourrait se préserver d’éventuelles plaintes du client qui ne se serait pas vu proposer une pièce “verte” quel que soit son cas.
En l’état actuel des discussions, la délimitation du périmètre des pièces concernées n’est toujours pas tranchée, pas plus que les limites du devoir d’information du professionnel envers son client, même si «la plupart des intervenants sont plutôt d’accord sur la modalité du rappel de la loi au client, c’est-à-dire un support simple comme une affiche dans l’aire d’accueil de l’établissement, par exemple». La prochaine réunion entre les parties n’est prévue qu’en février, ce volet de la loi “Royal” ne risque pas d’être applicable de sitôt.
(1) FNAA : Fédération Nationale de l’Artisanat Automobile
(2) FEDA : Fédération des syndicats de la distribution automobile
D’après apres-vente-auto.com
Merci de votre article concernant les pièces autos vertes. C’est dommage que l’article 77 de la loi relative à la transition énergétique ne pourra pourtant être appliqué tout de suite dans son ensemble. Vous soulevez des bons points par rapport aux débats complexes et la sécurité de cette loi. Vos renseignements m’ont été très utiles !