Dans le prolongement de la loi PACTE du 22 mai 2019, le législateur a adopté un second texte. Il réforme le droit des sociétés. Il s’agit de la loi de simplification du droit des sociétés définitivement adoptée le 19 juillet 2019.
Moins médiatisée que la loi PACTE, cette loi contient pourtant quelques dispositions intéressantes.
La répartition du droit de vote et la participation aux assemblées des sociétés lorsque les droits sociaux sont grevés d’un droit d’usufruit
L’article 3 de la nouvelle loi modifie le troisième alinéa de l’article 1844 du code civil comme suit :
« Si une part [sociale] est grevée d’usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier ».
Cette nouvelle rédaction apporte deux précisions importantes.
1) Le code civil permet désormais à l’usufruitier de participer aux décisions collectives, indépendamment de l’exercice du droit de vote. Pour mémoire, la jurisprudence ne reconnaissait ce droit qu’au nu-propriétaire
Ainsi, l’usufruitier comme le nu-propriétaire a accès aux assemblées générales. Le gérant doit le convoquer dans les conditions légales et statutaires. Usu-fruitier et nu-propriétaire peuvent indifféremment exercer le droit de vote.
2) La loi (1) permet à l’usufruitier et au nu-propriétaire de s’entendre sur une répartition conventionnelle du droit de vote. Concrètement, ils peuvent l’attribuer à l’usufruitier pour les décisions autres que celles portant sur l’affectation des bénéfices sociaux.
Rappelons qu’en tout état de cause le texte accorde à l’usufruit, le droit de vote pour les décisions dont l’objet est l’affectation des résultats. Dans ce cas, les statuts ou les parties ne peuvent y déroger.
(1) article 1844 modifié
Droit de vote transféré
Le texte précise aussi que le droit des sociétés peut valablement priver le nu-propriétaire de tout droit de vote. Ceci n’est pas sans poser de difficultés sur le terrain du droit des biens.
En effet, la doctrine considère que le droit de vote doit nécessairement être attribué au nu-propriétaire pour toute décision ayant pour objet ou effet de porter atteinte à la substance même des titres sur lesquels s’exerce l’usufruit (dissolution anticipée de la Société, réduction du capital social, etc…). Il en est de même pour les décisions entraînant une augmentation des engagements des associés. Sur ce dernier point, la qualité d’associé appartenant au nu-propriétaire, il apparaît logique que ce dernier puisse consentir à une augmentation de ses propres engagements.
La possibilité de décider la prorogation d’une société après la date de son expiration
Jusqu’au 21 juillet 2019, date d’entrée en vigueur de la loi de simplification du droit des sociétés, à défaut de décision de prorogation prise par la collectivité des associés, l’arrivée à son terme d’une société entrainait sa dissolution de plein droit.
Cette situation pouvait entraîner de lourdes conséquences fiscales : taxation des plus-values latentes, réintégration des provisions antérieurement déduites, imposition au nom des associés des réserves non encore distribuées, etc…
En outre, par principe, la société qui se poursuit au-delà de son terme statutaire, sans décision de prorogation régulière, dégénère en « société de fait ». Cette « société de fait » entraîne la responsabilité indéfinie et, éventuellement, solidaire des associés à l’égard des créanciers de la société.
Modalités de la prorogation
Tout associé a la faculté de saisir, dans le délai d’un an à compter de l’expiration de la société, le président du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce (2). La juridiction pourra autoriser la tenue d’une AG pour se prononcer sur la prorogation de la société dans un délai de trois mois maximum.
Dans cette hypothèse, la prorogation aura pour effet de régulariser, de façon rétroactive, tous les actes accomplis depuis la date d’expiration de la société, laquelle sera réputée en avoir été à l’origine.
(2) selon la forme civile ou commerciale de la société
Référence : article 1844-6 du code civil
Suppression de l’obligation de consultation triennale des associés sur la réalisation d’une augmentation de capital réservée aux salariés
Dans les sociétés par actions, les dirigeants avaient obligation de délibérer en AG tous les 3 ans, pour réaliser une augmentation de capital réservée aux salariés (3). Concrètement, ils devaient porter à l’ordre du jour d’une assemblée générale un projet de résolution en ce sens.
Cet article est modifié et il supprime cette obligation l’obligation.
Dans les faits, les associés rejetaient systématiquement ces résolutions. Le législateur vient donc de supprimer une règle alourdissant inutilement le formalisme de gestion des sociétés par actions.
Toutefois, la loi maintient la règle selon laquelle les associés doivent se prononcer conjointement sur la mise en œuvre d’une augmentation de capital réservée aux salariés ayant adhéré à un plan d’épargne entreprise quand il décidé une augmentation du capital social.
(3) article L. 225-129-6 du code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées
Assouplissement des conditions de créations d’actions de préférence dans les sociétés par actions simplifiées
Les « starts-upont tendance à privilégier la création d’actions de préférence dans les SAS pour le financement et le développement d». La loi allège les conditions de création et, en particulier, ne la soumet plus à la procédure des avantages particuliers.
Les actions de préférence sont celles qui confèrent à leur titulaire un avantage pécuniaire ou extra-pécuniaire (dividende prioritaire, droit de vote double, etc…), par rapport aux droits attachés aux actions ordinaires.
Auparavant, dans les SAS comme dans les sociétés anonymes, une assemblée générale extraordinaire décidait l’émission d’actions de préférence. Un rapport de commissaire aux apports et aux avantages particuliers servait de base à ces créations d’actions.
Désormais, l’intervention du commissaire aux avantages particuliers sera facultative. Le législateur souhaite faciliter la croissance des entreprises innovantes en limitant les coûts.
Fin de l’unanimité pour l’adoption, la modification ou la suppression des clauses d’exclusion dans les SAS
Les statuts d’une société peuvent prévoir l’exclusion d’un associé dans les cas et aux conditions qu’ils définissent, et dans le respect des dispositions légales impératives.
Dans les SAS, les associés peuvent maintenant adopter les décisions d’adoption, de modification ou de suppression d’une clause d’exclusion. Les conditions de majorité prévues aux statuts s’appliquent et non plus obligatoirement l’unanimité.
Cette modification va permettre la régularisation d’un certain nombre de clauses qui étaient devenues inapplicables en raison d’une jurisprudence (4). Selon cette jurisprudence, l’associé visé par une mesure d’exclusion ne peut être privé de son droit de vote si la décision d’exclusion relève de la compétence de la collective des associés…
Or, avant 2007, les clauses d’exclusion prévoyaient fréquemment la suspension du droit de vote des associés. Ces clauses devenaient illégales, du fait de la jurisprudence précitée. En effet, leur modification exigeait une décision prise à l’unanimité et, donc, un vote favorable de l’associé visé par l’exclusion.
(4) jurisprudence dite « Arts et entreprises » du 23 octobre 2007
Dispositions relatives aux fonds de commerce
Précédemment, le code du commerce (5) imposait de nombreuses mentions obligatoires dans les actes de cession de fonds de commerce. Il s’agissait, entre autres, du chiffre d’affaires et du résultat d’exploitation des trois exercices précédents. Le cédant devait aussi fournir l’origine de propriété, les mentions relatives au bail commercial et l’état des inscriptions de privilèges et de nantissements.
Désormais, le code du commerce abroge cette obligation.
Le vendeur reste, néanmoins, toujours tenu de délivrer une information complète à son acquéreur en application du droit commun. Mais la sanction du non-respect de cette information pré contractuelle ne sera plus la nullité de la vente. Elle devient la mise en cause de la responsabilité civile délictuelle du cédant. Pour mémoire, cela peut exposer le vendeur au versement de dommages-intérêts.
Enfin, la loi n’impose plus au cédant d’avoir exploité durant au moins deux ans le fonds de commerce mis en location-gérance.
(5) article L. 141-1 du code de commerce – lire aussi sur economie.gouv.fr
G. Couronne, Juriste en Droit des affaires « Économie sociale et solidaire »