La situation actuelle frappe toutes les entreprises, mais de manière diverse. Ainsi, les petites entreprises positionnées sur des activités locales, conservent la confiance de leurs clients particuliers. Par ailleurs, les créations d’entreprises restent à un niveau élevé. Et, durant la période de confinement, de nombreux travailleurs indépendants ont fait preuve d’une remarquable capacité à se « réinventer ». « Nous n’avions pas le choix ! », disent-ils souvent.
Mettons un peu de méthode dans la réflexion et l’inventaire pour que ces initiatives et ce sursaut d’énergie gardent leur efficacité.
1. Mener un inventaire de l’existant
1.1 Mes compétences, mes capacités, mes savoir-faire, ce que j’aime faire
Vous avez démarré votre entreprise il y a 3, 5 ou 7 ans après une période sous statut de salarié. Vous avez appris votre métier, côtoyé les clients, acquis de plus en plus d’assurance. Vous travaillez seul et l’indépendance a sans doute été l’une des principales raisons pour vous installer. Mais comme la concurrence existe, vous sentez que c’est le moment de vous interroger.
Dans mon métier, qu’est-ce qui m’attire le plus ? Travailler seul dans mon atelier, rencontrer les clients, prospecter, administrer et gérer l’entreprise, inventer ou mettre au point de nouvelles manières de travailler, … ?
Suis-je parfaitement à l’aise dans la relation-clients ? Lors de la proposition du devis, pour demander un acompte, pour facturer, pour relancer les impayés, pour gérer une insatisfaction, … ?
Pour aller plus loin dans mon métier, quelles compétences nouvelles puis-je développer ? Suis-je capable de faire ce que les autres ne font pas (encore), est-ce que je suis davantage attiré par le côté « généraliste » de mon métier ou suis-je capable de devenir très « spécialisé », … ?
Comment êtes-vous au courant des nouvelles techniques ? En lisant les revues professionnelles, par vos fournisseurs, en assistant à des réunions d’infos de la Chambre de Métiers, en rencontrant des collègues, … ?
Y a-t-il des produits nouveaux qui viendraient « concurrencer » ce que vous utilisez aujourd’hui ? De nouveaux matériaux peut-être plus chers que ceux d’aujourd’hui, mais présentant de nouveaux avantages, … ?
Accepter d’explorer et de répondre à ces questions sera déjà un grand pas. Cela vous assurera donc « un temps d’avance » sur certains de vos concurrents ou collègues. Cela vous permettra d’y voir plus clair pour prendre, déjà, les premières décisions.
1.2 Les moyens matériels dont je dispose, mon local, mes installations, mes équipements
Pour se développer, il faut quelques fois de la place… Alors, faites l’inventaire de votre situation actuelle.
Êtes-vous enclavé dans une rue étroite et donc difficile d’accès ? Avez-vous suffisamment de place pour le stockage des « matières, pièces, matériaux » et celui des « produits finis » ? L’emplacement est-il optimal pour assurer la tranquillité des voisins et habitants (bruit, poussières, circulation, stationnement pour les clients, …). N’hésitez pas à élargir l’inventaire.
Par ailleurs, se développer, surtout si on est seul, c’est consacrer davantage de temps à fabriquer. Les outils et machines actuels sont-ils capables de « soutenir » une cadence de production supérieure ? L’organisation de l’atelier est-elle « correcte » pour vous permettre de travailler en flux continu ? Avez-vous les pièces et outils « sous la main » ? Votre bureau est-il positionné « au bon endroit » ? L’accueil des clients est-il sécurisé ?
La panne d’un outil peut causer du tort et du retard et la tentation du remplacement existe.
1.3 Mes ressources financières, mon endettement
L’argent est le nerf de la guerre ! Dès les premières années, parce que vous avez été prudent, vous avez pris de l’avance sur votre prévisionnel. Vous êtes peut-être tenté d’investir, de renouveler votre véhicule ou de changer de local. La meilleure façon de réussir, c’est de mesurer le « point Zéro » ; c’est-à-dire, le niveau de marge (ou de CA) qui couvre vos engagements actuels, et vous assure une rémunération satisfaisante.
Sachez qu’un piège guette tout chef d’entreprise, « la panne de trésorerie ». Le développement consomme de la trésorerie et fait augmenter votre besoin de fonds de roulement (BFR).
Certes, le ralentissement des chantiers de ce printemps a affecté les trésoreries. Mais, même si vous avez relancé les commandes et proposé de nouveaux produits qui nécessitent d’investir, mesurez bien la « consommation » de trésorerie. En investissant, on se focalise quelques fois uniquement sur le financement. Ainsi, on peut passer à côté des coûts de fonctionnement que cela va générer.
Exemple : achat d’une machine-outil pour fabriquer certaines pièces que vous achetez habituellement. Impacts directs ; des économies, mais aussi des achats de « matières », du temps consacré à utiliser cette machine, à « usiner » ces pièces et donc moins de temps pour répondre aux clients, travailler, fabriquer, installer, … Il faudra peut-être aussi refaire vos publicités, vos flyers, votre site internet ou votre page sur les réseaux sociaux, …
Les banques sont attentives à ces aspects, voire prudentes lors des demandes de financement. Menez donc un examen complet des « + » et des « – » de ces investissements.
Exemple d’inventaire
Investir dans une machine-outil |
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L’investissement |
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Les « + » chiffrés ou non | Les « – », chiffrés ou non |
Maîtriser la production localement Limiter l’appel à la sous-traitance « délocalisée » … |
Dépense d’investissement, emprunt, autofinancement ou crédit-bail ?
… |
Le fonctionnement |
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Les « + » chiffrés ou non | Les « – », chiffrés ou non |
Économies sur les achats de pièces Moins de temps pour les achats Plus de rupture de stock / meilleure gestion des stocks
… |
Achat de matières premières Refaire mes flyers Réorganiser mon atelier, faire de la place Du temps pour « apprendre » à se servir de la machine … |
Vous serez ainsi mieux armé dans la négociation et la demande de financement, car vous aurez pensé à tout.
Après l’inventaire, c’est le moment de confirmer ses choix
De quoi suis-je, raisonnablement, capable ? Quel temps suis-je prêt à consacrer à mon activité ? De quelles ressources financières puis-je disposer ? Quelle est ma capacité d’autofinancement ?
Quelles sont les limites que je ne veux pas franchir ? Cette question concerne autant la taille, la zone géographique, les travaux à réaliser que le temps de travail personnel.
En effet même si, par nature, le travailleur indépendant ne « compte pas ses heures », l’équilibre vie privée / vie professionnelle est bien là quand même.
Cet inventaire va donc naturellement déboucher sur une organisation adaptée. Il s’agira aussi d’identifier le travail et les tâches pouvant être déléguées ou confiées à l’extérieur. En effet, si vous n’êtes pas attiré par le travail de bureau, mais par contre très attentif à votre suivi des créances, alors, intégrez le dans votre lettre de mission avec votre expert-comptable. Car on n’est jamais aussi efficace que quand on fait ce qui nous plaît !