Dans les sociétés commerciales à risque limité, il est relativement fréquent que les associés décident de renforcer les capitaux propres de la Société par la réalisation d’une augmentation de son capital.
Mécanisme juridique et intérêt de l’opération
L’objectif poursuivi est souvent d’éviter ou de régulariser une situation de perte de plus de la moitié du capital social ou, encore, d’améliorer la crédibilité financière de la Société vis-à-vis de ses partenaires bancaires et commerciaux en vue d’assurer la pérennité et le développement de l’activité économique poursuivie.
Toute augmentation de capital peut se réaliser de trois manières différentes :
- Par apports nouveaux en numéraire (somme d’argent) ou en nature (biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels) ;
- Par incorporation de tout ou partie des réserves antérieurement constituées ;
- Par compensation avec une créance liquide et exigible détenue à l’encontre de la Société.
L’augmentation de capital par compensation avec le compte-courant d’un associé rentre dans cette troisième catégorie.
En effet, l’associé qui détient un compte-courant d’associé est titulaire d’un droit de créance envers la Société, soit parce qu’il lui a consenti un prêt d’argent, soit parce qu’il a renoncé à percevoir des sommes qui lui étaient dues par elle (part de résultat par exemple).
Particularités en matière de sociétés par actions simplifiées
Le certificat du notaire ou du commissaire aux comptes tient lieu de certificat du dépositaire
En vertu de l’article L. 227-1 du code de commerce, les dispositions régissant la société anonyme et codifiées aux articles L. 225-1 et suivants dudit code, s’appliquent à la société par actions simplifiée, à l’exception de celles qui sont expressément écartées par une disposition légale ou qui s’avèrent manifestement incompatibles avec le fonctionnement propre à la société par actions simplifiée.
Parmi les dispositions applicables à la société anonyme figure l’article L. 225-146 alinéa 2 du code de commerce aux termes duquel :
« Les libérations d’actions par compensation de créances liquides et exigibles sur la société sont constatées par un certificat du notaire ou du commissaire aux comptes. Ce certificat tient lieu de certificat du dépositaire ».
Cet article n’est pas écarté par les textes spécifiques à la société par actions simplifiée et ne doit pas être regardé comme étant incompatible avec le régime qui lui est propre, quand bien même la Société ne serait pas dotée d’un commissaire aux comptes en l’absence de franchissement des seuils légaux (chiffre d’affaires de 2 000 000 €, total du bilan d’1 000 000 €, vingt salariés).
La production du certificat visé à l’article L. 225-146 du code de commerce ne pose guère de difficultés pour les sociétés anonymes puisque celles-ci sont tenues de désigner un commissaire aux comptes en toutes circonstances.
A l’inverse, lorsque la société par actions simplifiée n’est pas dotée d’un commissaire aux comptes en tant qu’elle n’y est pas légalement obligée, l’augmentation de capital par compensation avec tout ou partie des sommes inscrites au crédit du compte-courant d’un ou plusieurs associés nécessitera, au préalable, de prendre attache avec un notaire ou un commissaire aux comptes aux fins d’obtenir ledit certificat.
Une opération à anticiper
Il conviendra, donc, d’anticiper et d’intégrer cette démarche dans le calendrier de réalisation des opérations d’augmentation de capital afin de ne pas être pris au dépourvu.
En outre, le montant des honoraires du professionnel choisi pour l’exécution de cette mission, devra également être pris en compte dans le budget global des frais et honoraires se rattachant à la modification statutaire envisagée.
Pendant longtemps, la possibilité, pour une société par actions simplifiée non dotée d’un commissaire aux comptes, de faire appel à un commissaire aux comptes avec pour seule mission d’établir le certificat permettant de réaliser une augmentation de capital par compensation avec des sommes inscrites au crédit du compte-courant d’un associé, est demeurée incertaine.
La faculté de recourir aux services d’un notaire pour l’établissement de ce certificat pouvait apparaître, en effet, comme la deuxième branche de l’alternative ouverte aux sociétés ne disposant pas de commissaire aux comptes, cette analyse étant confortée par la terminologie utilisée par l’article L. 225-146 du code de commerce : le texte parle « du commissaire aux comptes » et non « d’un commissaire aux comptes ».
Longtemps, on a fait appel à un notaire
Cet état de fait conduisait les dirigeants de sociétés par actions simplifiées à envisager le recours à un notaire. Or, il s’avère que, n’ayant aucunement l’expertise requise pour établir le certificat exigé par l’article L. 225-146 du code de commerce, la plupart des notaires refusaient la mission pour laquelle ils étaient sollicités, ou imposaient des délais importants afin de réaliser des diligences qui ne rentrent pas dans leur champ d’intervention traditionnel.
Afin de contourner cette difficulté, l’Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA) a modifié sa position et considère désormais qu’un commissaire aux comptes peut être désigné à la seule fin d’établir le certificat, considérant que l’on ne saurait donner deux sens différents au terme « du » à l’intérieur d’une seule et même disposition (1).
A ce sujet, il convient de rappeler que la disposition dont il s’agit, fait référence « au certificat du notaire » et non à celui « d’un notaire ».
Aucune société n’étant légalement tenue de désigner un notaire pour la réalisation d’une mission permanente, il faut en conclure que le texte a entendu donner la possibilité aux sociétés par actions simplifiées qui ne seraient pas dotées d’un commissaire aux comptes, de missionner discrétionnairement un notaire ou un commissaire aux comptes à la seule fin d’établir le certificat constatant la libération d’actions par compensation avec une créance liquide et exigible.
Sanctions du défaut de production du certificat
Il s’agit ici du certificat du notaire ou du commissaire aux comptes en cas d’augmentation de capital par compensation avec une créance liquide et exigible.
Le non-respect des exigences posées (2) en matière d’augmentations de capital par compensation avec une créance liquide et exigible et, notamment, des sommes inscrites au crédit d’un compte-courant d’associé, est sanctionné par la nullité de la décision d’augmentation du capital social.
En conséquence, les actions émises à l’occasion de cette augmentation de capital se trouvent privées de droits de vote et de droits à dividendes jusqu’à régularisation de la situation
(art. L. 225-150 du code de commerce).
Par ailleurs, tout intéressé peut demander au Président du tribunal de commerce statuant en référé d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, au représentant légal de la Société concernée de communiquer le certificat constatant la matérialité de la libération d’actions par compensation avec une créance liquide et exigible.
Conclusion
La société par actions simplifiée est particulièrement louée en raison de sa « souplesse ». Toutefois, cette « souplesse » n’est pas synonyme de « simplicité » et le renvoi aux dispositions régissant la société anonyme lui confère un régime juridique complexe aux contours méconnus et difficiles à appréhender.
- Communication ANSA, Comité juridique n° 17-051 du 8 novembre 2017
- article L. 225-146 alinéa 2 du code de commerce
G. Couronne, juriste, Cerfrance Alliance Centre, ,juin 2018